« Bio-UV veut proposer des solutions de REUSE dans le cadre du plan Eau du gouvernement » (Laurent-Emmanuel Migeon)

ENTRETIEN - La passation de pouvoir est faite : l’emblématique dirigeant d’entreprise Benoît Gillmann, fondateur de Bio-UV, se retire et passe les manettes à Laurent-Emmanuel Migeon. Ce dernier devient officiellement le P-dg, à compter du 14 mars, de l'entreprise spécialisée dans les systèmes de traitement et de désinfection de l’eau par ultraviolets, électrolyse de sel, ozone et AOP (processus d'oxydation avancée). Le nouveau dirigeant ambitionne de poursuivre le développement de l’entreprise en France et à l’international, et de répondre aux grands enjeux de l’eau des années à venir. Notamment dans le cadre du plan Eau que devrait bientôt présenter le Président Macron.
Cécile Chaigneau
Laurent-Emmanuel Migeon devient officiellement le P-dg à compter du 14 mars 2023, succédant au fondateur Benoît Gillmann qui a choisi de passer la main.
Laurent-Emmanuel Migeon devient officiellement le P-dg à compter du 14 mars 2023, succédant au fondateur Benoît Gillmann qui a choisi de passer la main. (Crédits : Bio-UV)

Le fondateur de l'entreprise héraultaise Bio-UV Group, cotée en bourse sur Euronext Growth et spécialisée dans les systèmes de traitement et de désinfection de l'eau de manière naturelle - par ultraviolets, électrolyse de sel, ozone et AOP (processus d'oxydation avancée) -, passe la main quelque vingt-trois ans après sa création. Le 1e mars dernier, Benoît Gillmann, actionnaire de référence de Bio-UV, avait annoncé la cession de ses parts et la nomination de Laurent-Emmanuel Migeon au poste de P-dg. Ce dernier prend ses fonctions officiellement le 14 mars 2023.

LA TRIBUNE - Quel est votre parcours professionnel ?

Laurent-Emmanuel MIGEON - Ingénieur agronome de formation et titulaire d'un MBA de l'INSEAD, j'ai passé une dizaine d'années dans l'audit et le conseil. J'ai eu envie de m'orienter dans le monde de l'action plutôt que du conseil et je suis entré chez UCCOAR, une société coopérative viticole, devenue Vinadéis et qui aujourd'hui appartient au groupe InVivo. Pendant dix ans, j'ai travaillé sur la commercialisation, l'innovation et l'irrigation. La passerelle avec Bio-UV, c'est l'eau ! J'ai connu Benoît Gillmann dans les années 2008-2010 alors que j'étais président du pôle de compétitivité QualiMéditerranée (devenu Agri Sud-Ouest Innovation après fusion, NDLR) et lui président du cluster Swelia (devenu Aqua Valley après fusion avec le pôle Eau et le cluster WSM, NDLR)... J'ai ensuite travaillé pendant trois ans chez Eurofins (analyses pharmaceutiques, phytopharmaceutiques, alimentaires et environnementales, NDLR) où j'ai dirigé la branche agro-science à Vergèze (Gard, NDLR). J'en suis parti pour essayer de créer une même structure à la demande d'un fonds d'investissement, puis j'ai travaillé pour Biotek Agriculture à Troyes. Fin 2017, Benoît Gillmann voulait faire entrer Bio-UV en bourse et cherchait quelqu'un pour l'épauler. Je suis entré dans l'entreprise en tant que directeur général délégué en janvier 2018. L'entrée en bourse a été bouclée en juillet 2018, avec une levée de 10 millions d'euros. J'ai ensuite accompagné l'acquisition de l'entreprise écossaise Triogen en septembre 2019, qui nous apportait une technologie que nous n'avions pas, l'ozone, puis l'acquisition de l'entreprise toulousaine Corelec en novembre 2021, et la levée de 12, 7 millions d'euros en octobre 2020.

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Benoît Gillmann a cédé ses parts (13,498% du capital). Qui est actionnaire de référence aujourd'hui, et vous-même, à quelle hauteur êtes-vous actionnaire ?

Des fonds institutionnels suisses et allemands sont entrés, ainsi que des investisseurs long terme (identités non communiquées, NDLR). Aujourd'hui, une quinzaine de fonds représentent plus 50% du capital, et le plus important n'a pas 15%. J'ai moi-même acquis 0,30% du capital, et avec quelques autres managers, nous possédons 2,5 à 3% des parts... Benoît Gillmann reste administrateur de la société pour une durée d'un an, de façon à ce que nous continuions à bénéficier de son savoir-faire, avec une mission spécifique sur le plan Eau qui va sortir.

En 2022, l'entreprise a pour la première fois versé des dividendes à ses actionnaires en raison de ses bons résultats. Comment se porte Bio-UV aujourd'hui, au moment où vous en prenez la direction ?

La société a enregistré un chiffre d'affaires consolidé 2022 de 51,5 millions d'euros (soit une croissance de +54%, dont 16% en organique, avec une progression de +70% sur sa division Terrestre* et de +31% sur sa division Maritime*, NDLR). Plus de 50% des ventes du groupe sont réalisées à l'export. L'activité maritime pèse 18 millions d'euros, soit 35% de l'activité globale, et nous estimons à plus de 20.000 le nombre des bateaux existants qui restent à équiper d'ici fin 2024 pour le traitement de leurs eaux de ballast (en vertu de la Convention internationale BWM entrée en vigueur le 8 septembre 2017, NDLR). Mais ce sont de plus petits armateurs, moins structurés, donc il faut faire preuve de flexibilité et de réactivité. Le traitement des eaux de piscines représente un peu plus de 40% de notre activité, et les activités aquacoles et industrielles environ 10% chacune... Bio-UV emploie plus de 160 salariés, dont 100 au siège à Lunel, 30 chez Corelec et 40 chez Triogen. Bio-UV est une entreprise dynamique du point de vue commercial, qui va entrer dans univers de spécialisation pour aller chercher des clients plus grands et plus structurés dans l'aquaculture ou l'industrie. Raison pour laquelle nous recrutons des personnes qui ont ces expertises. Par exemple, un responsable pour le traitement des eaux industrielles en Europe du sud.

Quelle est votre feuille de route ?

Dans un contexte de marché porteur, et alors que le gouvernement français va annoncer des mesures majeures dans le cadre du grand plan Eau afin de sécuriser cette ressource vitale, j'entends poursuivre avec Simon Marshall, directeur général adjoint, et l'ensemble des équipes le développement rentable et durable de Bio-UV Group sur le long terme. Nous souhaitons notamment développer les activités récurrentes comme la maintenance et les pièces détachées, et les produits-phares sur chacun de nos segments de marché : le traitement des eaux industrielles et aquacoles, le marché du récréatif - piscines privées et collectives - les eaux de ballast dans le maritime, sans oublier la REUSE qui est un enjeu majeur pour la préservation de la ressource en eau.

Justement, le président Emmanuel Macron devrait en effet prochainement présenter son plan Eau. Comment Bio-UV +souhaite-t-elle se positionner ?

On imagine qu'Emmanuel Macron pourrait présenter ce plan Eau fin mars ou début avril. Les problématiques attendues dans ce plan sont notamment les fuites de canalisations et la nécessité de ré-équiper les réseaux, et aussi, bien sûr, un volet REUSE, mais avec une question : des eaux usées réutilisées mais pour quels usages ? Irrigation des parcs, agriculture, eaux industrielles ?... Bio-UV propose des solutions de REUSE clés en main à partir des stations d'épuration notamment pour désinfecter et traiter les eaux, les rendre utilisables pour l'agriculture par exemple. Si elles contiennent des métaux lourds ou des polluants émergents, nous savon faire mais cela dépendra des contraintes qui seront fixées, or elles ne sont pas très claires à ce jour. Il semblerait qu'on s'oriente en Europe vers une politique du pollueur-payeur...

Quelle est votre expérience du REUSE ?

En France, nous travaillons depuis cinq ans avec Veolia sur le programme Smart Ferti Reuse sur le bassin de l'Adour, qui consiste à traiter des eaux usées pour l'irrigation des maïs. Or nous pouvons aller plus loin : traiter l'apport hydrique et en même temps l'apport en nutriments. Depuis plus de quinze ans, au Maroc, nous traitons l'eau qui est réutilisée pour irriguer des golfs. Et nous venons d'installer notre solution sur la station d'épuration de Lunel, qui sera bientôt opérationnelle pour irriguer le stade de foot par exemple. Mais aujourd'hui, le REUSE est une démarche très longue et très lourde du point de vue administratif et on espère que le plan Eau apportera de la simplification... Nous espérons aussi travailler avec la Région Occitanie sur son propre plan Eau.

La croissance externe est-elle une composante de votre stratégie ?

Oui, cela fait partie du développement de l'entreprise d'aller voir ce qui se passe ailleurs. Nous avons ce qu'il faut en termes de technologies, mais nous voulons continuer de nous développer, notamment aux Etats-Unis sur le marché de la piscine, ou avoir des accès sur les marchés aquacoles, et la croissance externe pourrait nous permettre de le faire plus rapidement.

Le conflit en Ukraine affecte-t-il le développement de Bio-UV ?

Très peu de manière directe puisqu'on ne produisait rien dans ce pays et qu'on faisait peu de chiffre d'affaires là-bas. Indirectement oui, comme tout le monde, avec une hausse de la facture énergétique de 8 à 10%...

Quelles sont vos projections 2023 en termes d'activités ?

Le contexte géopolitique est complexe et les marchés mondiaux incertains, donc nous évitons de donner des chiffres, mais disons que nous visons une croissance à deux chiffres.

* Activités terrestres : traitement des eaux de piscine, des eaux de process dans l'industrie, réutilisation d'eaux usées traitées et l'aquaculture. Activités maritimes : traitement des eaux de ballast des navires.

Cécile Chaigneau

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