Ora Maritima : « La prévention des risques climatiques est un sujet de politique publique »

Territoire fragile situé en lisière du littoral méditerranéen, le bassin de Thau est particulièrement impacté par le dérèglement climatique. Début octobre à Sète, la 5e édition des Assises de Thau Ora Maritima pointait du doigt le rôle des collectivités territoriales face aux risques d’inondation, de plus en plus menaçants. Et démontrait l’importance de miser sur l’intelligence collective pour une meilleure compréhension du risque.
Le bassin de Thau fait partie des 111 territoires métropolitains classés à risque important d’inondation (TRI), particulièrement menacé par trois risques majeurs : l’inondation, l’érosion et la submersion marine.
Le bassin de Thau fait partie des 111 territoires métropolitains classés à risque important d’inondation (TRI), particulièrement menacé par trois risques majeurs : l’inondation, l’érosion et la submersion marine. (Crédits : CRCM)

« Submersion marine, ruissellements et débordements des cours d'eau menacent nos vies, nos maisons, nos modes de transport, nos activités économiques », énumère gravement François Commeinhes, maire de Sète, président de Sète Agglopôle Méditerranée et vice-président du Syndicat mixte du bassin de Thau (SMBT), lors de la 5e édition des Assises Ora Maritima début octobre  à Sète.

Cette année, c'est le risque d'inondation qui est au coeur des débats. Et ce n'est pas un hasard. Depuis 2005, le SMBT est composé de trois intercommunalités, Sète Agglopôle Méditerranée, Montpellier Méditerranée Métropole et la communauté d'Agglomération Hérault Méditerranée, rayonnant sur un territoire de 350 km2 et une façade littorale de 40 km sur le bassin versant de la lagune de Thau et de l'étang d'Ingril. Or d'un point de vue administratif, le bassin de Thau fait partie des 111 territoires métropolitains classés à risque important d'inondation, et il est particulièrement menacé par trois risques majeurs : l'inondation, l'érosion et la submersion marine. Elisa Basso, sous-préfète de l'Hérault, rappelle d'ailleurs que « dans le département, 320.000 habitants sont en zone inondable ».

« Sur notre territoire, nous devons mener des transformations dans notre manière d'habiter, de consommer, d'utiliser l'eau et de vivre le littoral, constate Yves Michel, maire de Marseillan et président du SMBT. Nous sommes tous témoins des évolutions du climat et du caractère extrême des événements météorologiques qui nous arrivent. Nous connaissons particulièrement bien les caprices des épisodes cévenols et des tempêtes marines automnales, et nous savons que des mesures de précaution et d'attention sont à prendre. La prévention des risques climatiques est un sujet de politique publique. Des aménagements littoraux d'envergure ont été engagés, les mesures de protection littorale se multiplient et le territoire s'inscrit dans un programme d'action pour la prévention des inondation. »

Initié en 2021, le Programme d'Actions de Prévention des Inondations (PAPI), outil de contractualisation entre les collectivités territoriales et l'Etat, permet de gérer les inondation et d'organiser collectivement la gestion des risques. Le Syndicat Mixte du Bassin de Thau prévoit de finaliser en 2024 un programme d'études préalables, soit un ensemble d'actions publiques visant à atténuer le risque lié aux inondations sur le territoire. Une étape essentielle avant le lancement de la phase opérationnelle du PAPI.

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« Rendre un risque visible »

Comment accompagner les habitants dans leur perception des risques ? C'est la question qui étaient posées pendant les assises. Car quand on parle d'inondation et de submersion, la culture du risque est essentielle. Et son absence problématique.

« L'expérience du risque en augmente la perception : ce n'est pas que les gens ne perçoivent pas les risques, ce sont les conséquences du risque qui font défaut, explique Isabelle Richard, directrice d'Environnons et docteur en psychologie sociale et environnementale. Nous travaillons sur l'éveil émotionnel pour accompagner la mise en oeuvre des comportements avant la crise car c'est ce qui va donner à l'individu la capacité d'agir. Rendre un risque visible, c'est déjà l'expérimenter un peu. »

Différentes expériences en direction des habitants ont été mises en place ces dernières années pour faciliter la sensibilisation. C'est le cas de l'Agora de l'Aménagement des Territoires Résilients (Aatre), un projet porté par l'université Paul-Valéry de Montpellier qui a débuté en 2020 sur trois zones du territoire, dont Marseillan, où des enquêtes et des ateliers publics ont été menés selon un protocole expérimental mêlant événements en présentiel et outils numériques.

« Il s'agit de travailler sur les risques littoraux et sur l'acculturation à ces risques afin de tendre vers des solutions d'avenir dans le cadre de la définition de la stratégie locale d'adaptation du trait de côte de Marseillan au changement climatique, détaille Norelia Voiseux, chercheuse à l'université Paul-Valéry. Notre objectif est de tester cet outil sur différents territoires et dans différents contextes de transition : écologiques, énergétiques, climatiques. Et de trouver les leviers de "réplicabilité" de cet outil pour pouvoir demain le dupliquer et le proposer à d'autres acteurs du territoire, plus spécifiquement les décideurs d'aménagement du littoral.  »

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Engagement citoyen

Des outils technologiques à la pointe ont été mis en place ces dernières années sur le territoire du bassin de Thau. À commencer par VIGITHAU, un système innovant de prévision et de gestion de crise hydrométéorologiques pour les communes du bassin versant, destiné à accompagner les élus dans la prise de décision. En partenariat avec la société Predict Services, cet outil permet de suivre les niveaux des cours d'eau et de la mer en temps réel. Le tout associé à un système d'avertissement local.

« La Méditerranée, qui est une mer fermée, se réchauffe beaucoup plus vite que tous les autres océans et mers de la planète, indique Alix Roumagnac, président-fondateur de Predict Services à Montpellier. Le GIEC positionne la Méditerranée, après les pôles, comme un des "hot spots" du dérèglement climatique. Quand des dépressions arrivent, composées d'air froid d'altitude, cela provoque ces épisodes cévenols méditerranéens qui peuvent lâcher sur les territoires des centaines de millimètres de pluie en quelques heures. »

En matière de gestion du risque, l'engagement citoyen semble clé à tous les niveaux, pouvant sauver des vies comme pour limiter les conséquences matérielles de graves épisodes climatiques. Cela, les collectivités en ont plus conscience que jamais. C'est pourquoi le Syndicat mixte du bassin de Thau a souhaité ouvrir ces assises aux habitants du territoire en rendant les tables rondes publiques. Tout un programme d'animations (visites, fresque participative, réalité virtuelle) et de spectacles gratuits a ainsi été proposé pour alimenter cette culture du risque.

« En tant qu'élus, nous sommes cette courroie de transmission entre les spécialistes et les obligations réglementaires, note Yves Michel, président du SMBT. Comment faire preuve de pédagogie pour expliquer aux citoyens quelque chose qui est simple dans ses conséquences, c'est-à-dire les inondations ? »

Le risque tsunami en Méditerranée : une réalité (ou presque)

Selon les experts, le risque plus important de tsunami en Méditerranée serait lié à un séisme qui aurait lieu du côté de l'Algérie. Générés par des séismes sous-marins ou très proches d'une côte, les tsunamis déplacent de grands volumes d'eau et inondent les zones côtières, submergeant les terres et mettant en péril les populations et les biens. Mais difficile d'anticiper, les séismes étant des événements imprédictibles. C'est pourquoi la surveillance sismique est effectuée sur les côtes françaises via le Centre d'Alerte aux Tsunamis (CENALT). « Un séisme qui se passe en Algérie nous donne une grosse heure d'anticipation, la vitesse de propagation d'un tsunami étant celle d'un avion de ligne, précise Alix Roumagnac chez Predict Services. La culture du risque est encore plus importante en cas de tsunami car il faut avoir les bons réflexes : quitter les points bas et aller sur les points hauts. » Rien ne vaut un entraînement grandeur nature. Le vendredi 13 octobre, un exercice de sécurité civile piloté depuis une cellule de crise située en préfecture s'est déroulé à Frontignan-Plage, dans un périmètre délimité à proximité du port de plaisance. L'occasion de tester pour la première fois dans l'Hérault le dispositif FR-Alert, destiné à informer la population et à délivrer les consignes à suivre dans une zone de danger (évacuation, mise à l'abri des personnes et organisation des secours).

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