Incendie dans les Pyrénées-Orientales : « Pour que l’humain prenne conscience du changement climatique, il faut se prendre des claques »

Un violent incendie a détruit quelque 1.000 hectares dans les Pyrénées-Orientales entre dimanche et lundi. Un événement précoce dans la saison, qui intervient alors que le département est frappé par une importante sécheresse. Selon l’agroclimatologue Serge Zaka, le phénomène est préfigurateur de ce qui pourrait survenir sur le pourtour méditerranéen dans les prochaines années.
Cécile Chaigneau
L'incendie qui s'est déclaré le dimanche 16 avril vers 9h30 aux portes de Cerbères, dans les Pyrénées-Orientales, a détruit quelque 1.000 hectares à la frontière espagnole.
L'incendie qui s'est déclaré le dimanche 16 avril vers 9h30 aux portes de Cerbères, dans les Pyrénées-Orientales, a détruit quelque 1.000 hectares à la frontière espagnole. (Crédits : Préfecture des Pyrénées-Orientales)

C'est l'incendie le plus important depuis le début de l'année 2023 : quelque 1.000 hectares ont brûlé dans les Pyrénées-Orientales, à la frontière espagnole.

L'incendie s'est déclaré le dimanche 16 avril vers 9h30 sur le site de Peyrefitte à Cerbère. 
Le feu s'est dans un premier temps déplacé vers Banyuls en suivant la voie ferrée, avant d'être poussé par une forte tramontane et de se diriger vers Cerbère, se rapprochant des habitations situées au nord du village.

De nombreux moyens ont été mobilisés : les 220 sapeurs-pompiers des Pyrénées-Orientales ont été rejoints par ceux venus de l'Hérault, de l'Aude ou de l'Ariège. Une quarantaine de gendarmes ont également été mobilisés. Du côté des moyens aériens, quatre canadairs et deux Dash ont été engagés mais, la tramontane soufflant à plus de 80 km/h avec des rafales à 120 km/h dans les reliefs, « les canadairs n'ont pas pu larguer à cause de la violence du vent », a précisé la préfecture des Pyrénées-Orientales en fin d'après-midi dimanche, alors que 300 personnes avaient été évacuées et 180 personnes confinées à Cerbère.

L'incendie finissait par passer la frontière et près de 130 hectares brûlaient côté espagnol.

« Un désastre écologique, touristique et économique »

L'incendie intervient alors que le département des Pyrénées-Orientales est frappé par une importante sécheresse. En raison d'une mer agitée, les canadairs sont allés se ravitailler en eau sur l'étang de Salses-Leucate.

Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, était en déplacement ce lundi matin 17 avril à Banyuls, alors que le feu était maîtrisé mais pas fixé.

« Près de 600 sapeurs-pompiers et personnels militaires ont été mobilisés, a déclaré le ministre qui rappelle « la sécheresse extrême » du département. Il faudra encore de nombreuses heures de travail pour les sapeurs-pompiers pour évacuer tout risque de propagation. La ville de Cerbère a été particulièrement inquiétée avec des feux qui se sont déroulés jusque dans les jardins des propriétés. Des moyens aériens ont été mobilisés, sept avions pour des largages. Mon message est un message de prévention au moment où débute le plus grand feu de l'année 2023, à une date extrêmement précoce du fait du réchauffement climatique. Aujourd'hui, le désastre est écologique, touristique et économique. »

A 21h45 dimanche soir, la préfecture indiquait en effet que quatre habitations avaient été impactées par l'incendie, et que « l'intervention des pompiers [avait] évité la propagation de l'incendie sur 100 habitations directement exposées aux flammes et, plus généralement, sur la commune de Cerbère ». Les 300 personnes qui avaient été évacuées dans l'après-midi ont pour la plupart pu regagner leur domicile et 12 personnes ont été relogées par la commune.

« Réaliser qu'on est en retard »

Pour le Montpelliérain Serge Zaka, docteur en agroclimatologie, ce phénomène est en effet préfigurateur de la situation à venir, notamment sur le pourtour méditerranéen.

« Le rapport du GIEC dit qu'on se dirige vers une saison d'incendie qui débordera sur le printemps et l'automne, et sera plus intense en été, et c'est directement lié aux sécheresses, comme c'est le cas dans les Pyrénées-Orientales actuellement, rappelle-t-il à La Tribune. A ce déficit de pluie, il faut ajouter une hausse des températures, ce qui signifie plus d'évaporation des écosystèmes, rendant le bilan encore plus négatif. Enfin, comme le rappelle le GIEC, chaque degré gagné, c'est 7% de plus de vapeur d'eau dans l'atmosphère, ce qui génère des orages de pluies intenses que les sols ne peuvent pas absorber... Cette année, on a enregistré 150 mm de pluie en année glissante sur la zone de Leucate : c'est un point bas dans la courbe pour l'instant mais le problème, c'est qu'il est probable que ce point bas devienne régulier. D'ici 2055 ce sera un indice classique si on projette ce qu'on a observé en 2022 ! »

Pour l'agroclimatologue, qui relaie volontiers les mises en garde et recommandations du GIEC, la prise de conscience n'est que trop tardive : « Pour que l'humain prenne conscience du changement climatique, il faut se prendre des claques ! On en avait pris une en 2019 quand les épreuves du brevet avaient été décalées en septembre car il faisait trop chaud dans les salles d'examen. Les agriculteurs ont en pris une avec le gel d'avril 2021. Et en 2022, c'était la canicule et la sécheresse... On en est arrivé à féliciter le chef de l'Etat de faire un plan Eau alors qu'il aurait fallu le faire il y a vingt ans ! Les canadairs supplémentaires attendus devraient déjà être prêts depuis trois ans... On peut parler de faute globale des politiques, quel que soit le parti, lors des vingt dernières années. Chaque claque nous fait réaliser qu'on est en retard ! ».

Et il met en garde pour l'avenir : « Il faut arrêter de considérer que l'eau est illimitée et de construire notre économie en se disant "on verra". Il faut l'adapter en fontion de la ressource en eau disponible dans les trente ans à venir, c'est à dire changer de paradigme quel que soit le domaine d'activité : aménagement du territoire, logements, agriculture, etc. ».

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.